Le hasard, ou le destin, a fait que j’ai abordé l’histoire des méthodologies en trois cours différents et dans les trois universités différentes : L’Analyse des manuels de FLE (Université de Nantes, 2005-2006, 2006-2007), Francophonie, patrimoine culturel et usage didactique (Paris 8, 2017-2018), L’appropriation des langues étrangères et histoire des méthodologies d’enseignement des langues vivantes (Université de Strasbourg, 2019-2020).
En même temps, j’étais praticienne et j’enseignais le français aux différents types de public et j’encadrais les étudiants pendant leurs stages. Et bien sûr, les cours étaient souvent une excellente occasion de discuter des « méthodes » et des « méthodologies », où les étudiants partageaient leurs succès et leurs échecs « entre collègues ».
Ces échanges permettaient souvent de constater le décalage entre la vision théorique très louable des didacticiens et les difficultés de sa mise en place en classe de langue :
– J’ai envie d’utiliser telle ou telle méthode, proposer telle ou telle activité, mais l’organisme où j’enseigne m’impose telle autre approche, ou tel autre manuel ;
– J’aime beaucoup l’approche actionnelle, mais j’ai beaucoup de mal à l’appliquer avec les débutants, je crois qu’elle n’est pas adaptée à leur niveau ;
– Je voudrais utiliser la méthode communicative, mais mes élèves exigent les exercices structuraux et de la grammaire déductive et explicite, je crois que ça les rassure. Comment faire ?
– Mes élèves ont adoré le projet que je leur ai proposé dans le cadre de l’approche actionnelle, mais je me rends compte que lors du travail en petits groupes, ils utilisent leur langue maternelle. Toute l’activité se fait donc en langue maternelle, et non pas en français. Comment faire pour que ça marche ?..
– Je voudrais préparer les cours bien structurés, bien faits méthodiquement, mais j’ai beaucoup d’heures, et nous n’avons aucun support : pas de manuels, pas de mallettes pédagogiques… Je fais comme je peux, pour avoir juste suffisamment de supports pour tenir le nombre d’heures que j’ai à faire…
– Je sais que la méthode traditionnelle a une réputation d’une méthode ennuyeuse et répétitive, mais j’aimais bien : ça m’a donné de bonnes bases, et ensuite, j’ai pu rajouter du « français parlé » qui me manquait.
J’aurais pu continuer, des témoignages de ce type étaient nombreux. Beaucoup d’entre eux étaient applicables aux situations que j’ai vécue moi-même en tant qu’enseignante.
Le temps passe, mon statut a changé. Je ne suis plus affiliée à aucun organisme de formation. Je suis indépendante, à mon compte, avec tous les risques et les avantages que cela représente. Mettons de côté les risques, ce n’est pas le sujet de ce texte. L’avantage, c’est que je suis vraiment libre dans le choix et dans l’application des méthodes et je peux enfin mettre en pratique le postulat que je répétais souvent à mes étudiants : toute méthode est bonne, sauf celles qui sont inefficaces.
Pendant les cours que je propose maintenant, cette liberté pédagogique consiste avant tout dans l’adaptation de l’enseignement à chaque cas précis, en fonction du niveau, des besoins, des objectifs et des possibilités de mes étudiants.
Quant aux supports que je crée et qui seront publiés ici au fur et à mesure, cette liberté se manifeste dans la présentation du contenu et dans l’organisation des matériaux.
Si je devais me situer par rapport aux méthodes et approches existantes, je dirais comme ceci :
• L’approche actionnelle, ainsi que d’autres types de « pédagogie de projet », n’est pas pour moi une méthode optimale dans le cas des cours individuels pour adultes qui n’ont souvent qu’un seul projet : être capable d’interagir dans des situations professionnelles bien concrètes ou bien passer un certificat ou test de langue. L’approche actionnelle peut être passionnante et très motivante pour un groupe d’élèves, surtout pour les enfants ou les jeunes adolescents, mais les adultes qui ont des objectifs professionnels précis n’ont pas forcément besoin des jeux de motivation, en plus souvent chronophages.
• La méthode communicative – oui, bien sûr. Globalement, tout objectif d’apprentissage d’une langue peut être réduit à cette expression : apprendre à communiquer. Après, tout dépend de la façon dont on s’y prend et de ce qu’on entend sous la communication. Construire sa pratique enseignante sur un ouvrage d’une grammaire descriptive n’aurait de nos jours que peu de sens. Quelles que soient les préférences et les objectifs des étudiants, ils apprennent tous le français pour pouvoir s’en servir dans une situation de communication. Le choix des thèmes est donc déterminé par ce besoin premier de tout apprenant : pouvoir communiquer.
• La méthode traditionnelle – je comprends que cela risque de fâcher certains, mais je garde quelques souvenirs nostalgiques de cette méthode dont je suis moi-même en quelque sorte « victime ». Malgré ses défauts bien connus et plusieurs fois critiqués, elle présente certains avantages : elle a le mérite d’être « transparente » pour l’apprenant qui comprend ce qu’il fait à chaque instant t ; elle permet de travailler de façon ciblée « des points qui posent problème » aux apprenants, en allant parfois jusqu’à créer des automatismes qui permettent de progresser sensiblement ; elle permet de travailler l’écrit, ce qui est très important pour certains apprenants ayant des objectifs professionnels concrets ; son côté répétitif est parfois « sécurisant » et rassure les apprenants qui se sentent déstabilisés quand on leur fait travailler les choses « pas dans le bon ordre » et qui sont exigeants quant au contenu de chaque cours, dans le style : « Qu’est-ce que j’ai appris pendant ce cours d’une heure pour lequel je viens de débourser XX€ ? ». Enfin, la dernière raison consiste en fait que je travaille le plus souvent avec les adultes qui ont déjà été scolarisés dans leur langue maternelle et qui ont l’habitude de l’écrit. Travailler donc de la lettre vers le son, de l’écrit vers l’oral semble plus logique et plus sécurisant pour ce type d’apprenant.
Quant au contenu, comme d’habitude, il faudra réussir à concilier plusieurs facteurs : les objectifs d’apprentissage, le caractère authentique du contenu, les droits d’auteur, les besoins de la progression des apprenants, etc. Je pars de l’idée que les besoins des apprenants passent avant les postulats pédagogiques abstraits. Je propose donc aux débutants les textes fabriqués, écrit spécialement pour travailler le contenu de façon progressive et parmi les documents authentiques, je choisis ceux qui sont vraiment accéssibles à ce stade. Généralement, plus le niveau est élevé, plus le choix de documents est important, mais une autre question reste incontournable, celle de la propriété intellectuelle et l’usage pédagogique des textes soumis aux droits d’auteurs.
Le contenu de mes séquences publiées sur le site et proposé aux étudiants pendant les cours répond avant tout à tous ces objectifs. J’espère qu’il sera intéressé à tous ceux qui, comme moi, sont passionnés par la langue française.
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